Neuestes Buch:
Nazis und der Nahe Osten
Wie der islamische Antisemitismus entstand
Decembre 2001
La question que nous poserons [1] ici n’est pas : « Que veut l’OTAN en Macédoine ? », mais « Que veut la Bundeswehr en Macédoine ? ». Il n’y a pas d’autre fa¸on possible de poser la question et ceci, pour au moins deux raisons. La première tient au fait que l’opération militaire amber fox est une mission conduite presque exclusivement par la Bundeswehr : le Commandant est allemand, l’état-major est composé d’Allemands, l’homme de liaison de l’OTAN en poste à Skopié est allemand et enfin, le gros des troupes engagées dans cette opération est allemand. La seconde est que cette mission fut si controversée au sein même de l’OTAN que l’Allemagne dût l’imposer à toute force. En réalité, il s’agit d’une opération militaire dirigée de et par Berlin pour laquelle le manteau vert-olive de l’OTAN ne sert que de couverture. Comment cette opération militaire fut-elle préparée ? Quelle est sa fonction ? Quelle rationalité la gouverne ?
I
Le point de départ de cette nouvelle opération militaire en Macédoine nommée « amber fox » est le 27 septembre. Formellement, elle est prévue pour une durée de trois mois, mais peut être prolongée indéfiniment. Elle est essentiellement composée de 1000 soldats de la Bundeswehr. Il s’agit d’une mission incluant la possibilité d’exécuter des opérations militaires. Mais, pour au moins trois raisons, il y a quelque chose de louche dans cette mission. Officiellement, cette mission a pour objet, je cite le Gouvernement, « ... la poursuite de la protection de l’installation des observateurs des organisations internationales dans le cadre des accords du 13 août 2001 » [2] En réalité, il ne s’agit que d’un prétexte. Cette mission commen¸a fin septembre, bien que les accords du 13 août n’avaient pas encore été ratifiés par le Parlement de Skopié [3] . Sans accords dûment signés, aucun observateur de l’Union européenne ou de l’OECS ne pouvait assurer sa mission. Sans la présence d’observateurs, la protection de la Bundeswehr n’avait aucun sens. L’occupation de la Macédoine conduite avec persévérance poursuit évidemment d’autres objectifs .
On prétend ensuite que cette occupation aurait re¸u l’agrément du Président de la Macédoine. Observons plus sérieusement les circonstances de cette « invitation » et, par exemple, rappelons ce que déclarait au Bundestag un témoin digne de foi, Volker Rühe : « L’OTAN a instamment prié le Président macédonien de l’inviter à être militairement présente en Macédoine » [4] .
Rühe est encore bien loin de la vérité. Dès le 6 septembre, le Gouvernement macédonien déclinait quelque nouvelle intervention de l’OTAN. Le 9 septembre, le Président macédonien répétait que la Macédoine pouvait assurer l’ordre et la sécurité intérieure avec ses propres forces. Le 9 septembre, le Gouvernement déclarait qu’il accepterait au maximum une présence militaire de l’ONU sous réserve que son action se limite au contrôle des frontières pour empêcher le commerce illicite des armes. Le 18 septembre, le Gouvernement avait à moitié capitulé et acceptait la présence de 200 militaires de l’OTAN, sous réserve qu’ils restent éloignés des villages.
Aucun participant au débat du Bundestag du 27 septembre, sauf un, n’a fait d’objection aux propos de Volker Rühe. Wolfgang Gehrke, le porte-parole du PDS se contentait de mettre en garde devant tant de franchise : « Nous ne devons pas donner l’impression que la décision d’intervention en Macédoine a été décidé par les conseillers de l’OTAN ou de l’Union européenne. » En somme, un conseil de futur public relation…
Quant à lui, Rudolph Sharping expliquait devant le Bundestag : « Le Gouvernement macédonien n’a en aucune manière subi de pression, il a lui-même souhaité aide et protection internationale. Il y va de la volonté du Gouvernement macédonien d’intégrer la Communauté européenne [...] Mais celui qui manifeste cette volonté doit accepter les règles comme, en conséquence, offrir les garanties de la coopération. » [5]
Qui veut s’intégrer à la Communauté européenne, dit le ministre de l’hégémonique Allemagne, doit avant tout se coucher et faire ce que nous voulons. Cette déclaration de Sharping me rappelle un mot de Churchill qui disait, à propos de l’Allemagne, soit on l’a à genoux soit on l’a à la gorge, entre les deux, il n’y a rien. Pendant 40 ans, l’Allemagne dût faire comme si elle restait à genoux parce qu’elle était divisée. Aujourd’hui qu’elle a pris son envol, tout se passe comme si elle voulait de nouveau sauter à la gorge.
Finalement, la politique qui a consisté à provoquer l’explosion de la Yougoslavie en parties n’a pas été conduite en vain. Ce privilège d’étrangler et de contraindre les petits Etats européens a été récemment formulé dans un papier aussi clair que brutal du groupe parlementaire de la CDU/CSU. Sous le titre « Une perspective pour les Balkans », on annonce la création d’une Union européenne du Sud-est en déclarant : « Dans cette Union européenne du sud-est, l’Union européenne pourrait installer un co-pouvoir permanent investi d’un pouvoir de décision en cas de désaccord entre ses membres. » [6] .
C’est pourquoi nous persistons à dire que la nouvelle mission de l’OTAN en Macédoine n’a rien à voir avec la défense des intérêts de la Macédoine pas plus qu’elle n’a été organisée à la demande du Gouvernement macédonien.. Elle est le résultat d’une décision unilatérale de l’OTAN et, en particulier, un effet de la politique allemande au sein de l’OTAN devant laquelle Skopié a dû se soumettre.
Troisièmement, l’OTAN, a-t-elle, elle aussi, voulu organiser cette mission ? En réalité, l’Allemagne a dû déployer beaucoup d’efforts pour convaincre ses principaux partenaires de l’OTAN. Ainsi, les USA et la Grande-Bretagne avaient déclaré : Si vous pensez que la police macédonienne n’est pas en état d’assurer la protection des observateurs, il nous semble que la présence des 40 000 soldats de la KFOR au Kosovo et que les 3 000 soldats supplémentaires stationnés en Macédoine y suffit largement [7] . Enfin, les USA proposèrent l’envoi d’une « mission légère » d’après laquelle que 200 soldats de la KFOR stationnés en Macédoine assureraient la sécurité des observateurs [8] . L’Allemagne refusa cette proposition : « Tandis que l’Etat-major de l’OTAN voulait envoyer 250 à 300 soldats en Macédoine, Berlin souhaitait en envoyer au moins 1000. » [9]
Mais ce n’est pas tout. Dans le cadre de la précédente opération de l’OTAN, « Essential Harvest », l’Allemagne avait déjà pris une singulière position. Le 31 août, le correspondant diplomatique de la Frankfurter Allgemeine Zeitung parlait de « grande irritation » et d’une « partie de bras de fer avec les grandes puissances ». Concernant cette opération « Essential Harvest », l’OTAN s’en est toujours tenu aux deux critères suivants : cette mission ne devait pas durer plus de trente jours, et toute intervention armée exclue en dehors des limites de son mandat. « Si la situation venait à se compliquer, l’ensemble des troupes devait se retirer. » [10] Ce sont ces deux conditions que Berlin n’a jamais accepté.
Angelika Beer, la spécialiste des affaires militaires chez les Verts rompit le consensus qui dominait à l’époque en déclarant : « A mon sens, il serait préférable que l’OTAN revienne sur ses décisions dans ce sens qu’une véritable mission soit engagée sans pour autant que celle-ci limite la durée de sa mission. » [11] et Gernot Erler, le représentant du groupe SPD ajoutait : « Nous aurons plus de chances d’avoir une majorité si nous demandons l’envoi d’une mission musclée. » [12]
D’une fa¸on spectaculaire, pour cette opération « amber fox », le Gouvernement fédéral a réussi à obtenir exactement ce qu’il n’avait pas pu obtenir dans le cadre de la précédente mission « Essential Harvest ». Ces premières remarques suffisent à montrer que la prétendue « protection des observateurs » n’est qu’un prétexte. La réponse à cette première question conduit immédiatement à en poser une autre : En quoi consiste cette mission de la Bundeswehr ?
II
Cette mission n’a pas pour objectif de soutenir les intérêts des puissances de l’OTAN et encore moins ceux du Gouvernement macédonien, mais ceux de l’UCK. Les agressions de l’UCK menées du Kosovo contre la Macédoine n’ont pas pour objectif de protéger les droits des minorités, mais celui de satisfaire des ambitions territoriales. Il ne s’agit pas plus, pour l’UCK, de constituer une sorte de Grand-Kosovo ou de Grande-Albanie qui, alors, inclurait des territoires du Monténégro de la Macédoine et de la Grèce. Mais l’UCK veut constituer une sorte de Grand-Kosovo « ethnique » (völkisch) et « fasciste » (faschoid ). Comme chacun sait, les racines de l’UCK s’originent dans la Division SS « Skanderberg » ; son concept de « liberté » est celui du nazisme « libre de » (frei von) : libre des Juifs, libre des Tziganes, libre des Turcs, Serbes et Slaves macédoniens. Cette idéologie gouverne les actions de l’UCK dans les territoires qu’elle occupe. Elle a chassé la dernière communauté juive de Pristina sous les yeux des observateurs de l’OTAN et des combattants de l’alliance SPD-Verts. Elle a organisé l’expulsion la plus brutale que les Tziganes aient connu depuis 1945. Elle a massacré ou expulsé des centaines de milliers de Serbes. A Prizren, lieu de stationnement de la Bundeswehr, il ne reste plus que la moitié de la population serbe. La plupart d’entre eux survivent dans les églises ou restent enfermés chez eux. Chacun a pu observer que, même pour se rendre chez le coiffeur ou chez l’épicier, chaque Serbe doit être accompagné, sous peine d’être victime de l’actuelle atmosphère de pogrom [13] . C’est exactement cette politique qui est menée dans les territoires « libérés » de la Macédoine. Contrairement à la presse allemande particulièrement discrète sur ces problèmes, la presse internationale n’a pas manqué de rendre compte de la situation.
Mi-mai, l’AFP écrivait : « Dans la région de Kumanovo, l’UCK a commencé le ‘nettoyage’ de tous les villages où la population albanaise est majoritaire. Les maisons des Non-Albanais sont ran¸onnées et les habitants menacés de mort et expulsés. »
Mi- juillet, l’International Herald Tribune écrivait : « Nous avons la preuve que sous la domination de l’ethnisme albanais, la tendance croît d’un ‘nettoyage’ ethnique comme il fut mené ailleurs dans les Balkans mais, ici, sous des formes inconnues jusqu’à aujourd’hui. » [14]
Fin juillet, le New-York Times écrivait : « Dans un rapport de l’Organisation pour la Coopération en Europe, qu’on assistait à un ‘nettoyage ethnique’ autour de Tetovo. » [15] Quelques semaines plus tard, on fit sauter un cloître macédonien du XIVème siècle sous prétexte qu’il appartenait à l’église orthodoxe.
Lorsque nous prenons en considération ces orientations de l’UCK, il devient particulièrement évident, combien justifiée et combien nécessaire est la résistance de la population et du Gouvernement macédonien contre les agressions de l’UCK. Si la Macédoine pouvait assurer sa défense, il n’est pas exclu que de nombreux pays voisins ou qu’une alliance de pays lui proposeraient leur aide pour mener la lutte contre l’armée de l’UCK, comme la Grèce, la Bulgarie, l’Ukraine, la Roumanie…
Mais elle ne peut pas mener ce combat parce que les grandes puissances de l’OTAN ne veulent pas laisser tomber leurs anciens alliés. En fait, ce sont ces puissances de l’OTAN qui, jusqu’ici, ont empêché que le « nettoyage ethnique » mené dans la région de Tétovo, c’est-à-dire l’expulsion en masse des Macédoniens slaves. Dans ces conditions, il est logique et ce n’est pas par hasard qu’en Macédoine, l’UCK soit la seule force plaidant pour une présence durable de l’OTAN. Plus l’OTAN est présente, moins l’armée macédonienne peut agir. Plus longtemps l’OTAN est présente, plus le contrôle de l’UCK sur l’ouest de la Macédoine se renforcera.
Depuis la création de l’UCK soutenue par les services secrets allemands, pas un pays ne s’est présenté avec autant de conséquence comme la puissance protégeant cette guérilla ethnique. [16]
Dans ce contexte de la crise macédonienne, le statut particulier de l’Allemagne comme protecteur de l’UCK, s’en trouve renforcé.
En mars de cette année, immédiatement après l’agression de l’UCK dans la région de Tétovo, et alors que les puissances de l’OTAN étaient encore du côté de Skopié, le Ministre allemand des affaires étrangères se précipitait en Macédoine pour appeler « toutes les forces en présence à renoncer à la violence. » [17] Comment pouvait-on mieux investir d’une légitimité une agression conduite en Macédoine à partir du Kosovo ? En mettant agressés et agresseurs au même niveau, il devenait facile d’en appeler à un « désarmement » des deux belligérants. Gerhard Schröder pouvait exprimer son espoir que « les parties en conflit soient prêtes à déposer les armes », Joscka Fischer exigeait « le désarmement des belligérants » et Claudia Roth disait : en Macédoine, les « deux parties » doivent déposer les armes [18] .
Quant à eux, les USA poursuivaient d’autres objectifs. Pendant que, dès avril, Colin Powell, le ministre américain des Affaires étrangères, rendait l’UCK seule responsable de la déstabilisation de la Macédoine et en appelait à prendre ses distances avec l’UCK, en décrétant : « La question albanaise est ouverte », Joschka Fischer, son homologue allemand, l’assurait de « sa plus grande victoire » [19] .
Pendant qu’en juin, le Président George Bush ordonnait que quelque souscription que ce soit en faveur de l’UCK organisée sur le territoire national soit interdite, que les avoirs des dirigeants de l’UCK soient gelés et que soit ordonnée une interdiction d’entrer sur le territoire des Etats-Unis, le Président Trajkovski décrivait l’Allemagne et la Suisse comme leurs « ports de sauvetage » (« save haven ») c’est-à-dire comme leurs plus importantes bases arrières et exhortait ces deux Etats à suivre la position des USA [20] . En somme, pendant que les Etats-Unis et, plus tard, la Suisse, contribuaient à réduire la marge de manæuvre de l’UCK, jusqu’à aujourd’hui, l’Allemagne, en tant qu’Etat, reste le principal bailleur de fonds et de recrutement de l’UCK [21] .
Si cette situation reste à peine connue en Allemagne, c’est qu’une désinformation est organisée par le Gouvernement lui-même. Ainsi, l’Ambassade allemande en Macédoine a fait courir le bruit que 17 conseillers militaires américains avaient accompagné les actions des commandos de l’UCK a Aracinovo. J’ai vérifié les sources de cette information : cette nouvelle était un faux.
Certes, les Etats-Unis ont utilisé les services de l’UCK pour lutter contre Milosevic, avec lesquels ils ont étroitement collaboré. Mais depuis la chute du Gouvernement de Belgrade, les USA ont revu leur politique et l’Allemagne apparaît aujourd’hui comme le principal allié de l’UCK.
Si la politique allemande de soutien à l’UCK et à sa politique de conquête de la Macédoine venait à l’emporter, il s’ensuivrait que le Gouvernement allemand a intérêt aux modifications frontalières dans les Balkans. Il va de soi que cette politique est aventureuse et comporte des risques. Mais les indices ne manquent pas montrant que les élites politiques allemandes ont cette volonté.
Par exemple, récemment, Gernot Erler, Vice-Président du groupe parlementaire du SPD au Bundestag répondait récemment à une question posée par le présentateur d’un magazine : « Est-ce qu’il existe quelque chose comme une stratégie et un concept ? ». La réponse de Gernot Erler ne manque pas d’intérêt : en ce qui concerne « ... les aspirations albanaises de séparatisme en Macédoine et au Kosovo », nous devons nous poser la question « de l’avenir des frontières dans cette région, bien que les frontières soient inaliénables, comme nous devons être prêts à modifier le contour de ces frontières arbitrairement tracé » [22] .
Les Verts ne sont pas en reste. Dès avril 1999, le Ministre des Affaires étrangères posait déjà la « question territoriale irrésolue » en Europe du Sud-Est. Cela signifie très exactement que la question des frontières est celle où s’origine la crise yougoslave. Depuis, Joschka Fischer est revenu sur cette question alors qu’il rencontrait les dirigeants de l’UCK, les appelant « à plus de patience et de raison dans leur aspiration à l’indépendance ». La question albanaise doit, comme autrefois la question allemande, rester ouverte. Les modifications des tracés des frontières, même dans le cas de l’Allemagne n’ont jamais abouti en une nuit ! [23]
En juin de cette année, même la CDU/CSU, dans une déclaration programmatique a déclaré que les modifications des tracés des frontières balkaniques étaient inévitables.
Karl Lamers déclarait que « on doit en venir à la définition de nouvelles frontières » afin de reconnaître « le droit à l’autodétermination » des groupes ethniques (Volksgruppe) qui, j’ajoute, après avoir achevé « le nettoyage ethnique » (ethnischer Saüberung), veulent vivre « entre eux » (für sich allein ». La « question albanaise » est, en tout cas, « devenue la question-clef pour la suite du développement de la région. » [24] .
Voilà pour la fonction de la mission de la Bundeswehr en Macédoine. Si le Gouvernement fédéral voulait s’en tenir au respect du tracé des frontières et au retrait des forces de l’UCK de Macédoine, alors, le sens de cette mission serait invalidée. A contrario, s’il s’agit, pour la Bundeswehr, de consolider les positions de l’UCK en Macédoine, dans la perspective de modifier le tracé des frontières, alors, cette mission prend tout son sens. Que cette question soit évoquée publiquement ou non, ne change absolument rien au fond de l’affaire. Mais alors, pourquoi l’impérialisme allemand a-t-il opté pour cette solution ?
III
Pour nous orienter vers une réponse à cette question, je partirai de cette remarque de Polonius dans Hamlet : « Wenn dies auch Tollheit ist, hat’s doch Methode. » Quelle rationalité se cache derrière une politique irrationnelle ? Pour finir, je présenterai un paradoxe.
La redéfinition des frontières est un aspect particulier de la stratégie de conquête de la politique allemande. Si cette stratégie de partition de la Macédoine ou d’indépendance du Kosovo couronnée de succès était réalisée selon des critères ethniques, elle constituerait un modèle pour la politique d’élargissement de l’ensemble de l’Europe orientale (EU-Osterweiterung). Ce n’est pas par hasard qu’Adrian Nastase, Chef du Gouvernement roumain a caractérisé les Balkan comme « laboratoire d’une doctrine de déstabilisation » dans lesquels « une politique de révisionnisme et d’autonomisation jouent un rôle central ». Face à la politique allemande de soutien à l’UCK, en Pologne, on pense à la politique menée à Danzig en 1939 ; en Tchéquie, on pense à ce que la Tchécoslovaquie vécut en 1938 avec les Sudètes : une minorité nationale, concentrée dans une région frontalière, transforme son « appartenance ethnique » en pure terreur et en appelle à son droit à l’autonomie [25] .
Nous devons aujourd’hui rapprocher ces faits avec le plus grand et le plus méconnu des scandales de l’Allemagne d’après-guerre : nommément le fait suivant que la République Fédérale Allemande s’est toujours refusée à considérer les accords de Munich de 1938 comme nuls et non avenus.
D’une certaine fa¸on, le programme de Joschka Fischer, procéder à des redéfinitions frontalières, mais sans violence, réaliserait celui de 1938. La Tchécoslovaquie dût accepter sa partition ainsi que le rattachement des Sudètes à l’Allemagne sans qu’un coup de feu ne fût tiré. Contrairement aux USA, à la France et à l’Angleterre, etc., l’Allemagne a, jusqu’ici, toujours refusé de bannir ce nouvel ordre du monde selon des critères racistes (ethnischen Kriterien).
Tout cela, qui se passe sous nos yeux, conduit à penser que le type de confrontation de la Guerre froide est remplacée par un autre, c’est-à-dire à une lutte entre diverses formes de capitalismes. Ainsi, si la Macédoine est gouvernée par la majorité slave (comme la Russie ou la Yougoslavie), cela n’a plus rien à voir avec quelque survivance du socialisme. Il n’y a pas un pays d’Europe issu des nouvelles partitions qui entretienne de meilleurs relations avec les USA et l’OTAN que la République macédonienne.
La mission de la Bundeswehr dans la petite Macédoine vaut comme symptôme de l’opposition entre deux formes de capitalismes ; l’une est fondée sur une conception non-raciste de l’Etat ; pour l’autre, les frontières entre les Etats ne peuvent vraiment être acceptées que si elles coÎncident avec les lignes de partages ethniques.
La « doctrine ethnique » (Die völkische Doktrin) n’est pas seulement une stratégie de domination, les élites de ce pays semblent eux-mêmes croire à leur folle conception ! Lorsque Karl Lamers explique que la « question serbe doit être résolue », c’est-à-dire que « tous les Serbes doivent vivre dans un même Etat » [26] , lorsque Joschka Fischer explique que la décision de s’engager sur la voie de l’entrée dans la Communauté européenne appartient aux dirigeants du Kosovo comme à ceux de la Macédoine ou de l’Albanie si le peuple albanais le veut » [27] on retrouve toutes les prémisses de l’ethnicisme (völkische) selon lesquelles les individus ne sont pas définis comme sujets politiques mais d’après leur origine (Abstammung) où l’étranger (« Anderssein ») est per¸u comme détermination essentielle compliquant ainsi le vivre ensemble. « Le rêve allemand d’homogénéité », le besoin irrépressible d’en appeler à la « race » comme l’essence de la genèse du monde n’est pas tari.
A l’ombre de cette guerre pour la conquête de l’Afghanistan, où l’équilibre entre les grandes puissances va se réorganiser, quelques centaines de soldats de la Bundeswehr occupent une partie de l’ouest de la Macédoine dominée par les Albanais de Macédoine. D’un point de vue quantitatif, cette mission est à peine significative ; mais d’un point de vue qualitatif, en tant qu’elle dessine les contours d’une politique déterminée, elle est d’une extrême importance et montre la voie dans laquelle la critique doit s’engager.
Traduction de Gilbert Molinier
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[1] Cette conférence fut prononcée à Münich, le 8 novembre 2001, l’occasion d’une exposition organisée par l’association des étudiants ( AstA) à l’Université des sæurs Scholl.
[2] Motion du Gouvernement fédéral Bundestag-Drucksache, 27 septembre 2001.
[3] Cette ratification n’eut lieu que le 16 novembre, soit sept semaines après le début de l’action de l’OTAN. Voir la Frankfurter Allgemeine Zeitung du 17 novembre 2001.
[4] Compte rendu du débat parlementaire du 27 septembre 2001.
[5] Compte rendu du débat au Bundestag du 27 septembre 2001.
[6] Karl Lammers, Peter Hintze, Klaus-Jürgen Hedrich, « Eine Perspektive für die Balkan –Überlegungen für eine Südost Europäische Union, 29 juin 2001, p. 10. (« Une perspective pour les Balkans – Réflexions pour une Union européenne du sud-est ».
[7] Frankfurter Allgemeine Zeitung, 04 septembre 2001 ; Frankfurter Allgemeine Zeitung, 12 septembre 2001.
[8] Frankfurter Allgemeine Zeitung, 25 septembre 2001.
[9] Frankfurter Rundschau, 25 septembre 2001.
[10] Frankfurter Allgemeine Zeitung, 16 août 2001.
[11] Hamburger Abendblatt, « Interview mit Angelika Beer », 10 juillet 2001.
[12] Tageszeitung, 29 juin 2001
[13] M. Küntzel, « Deutschland und das Kosovo », in S. Jäger, J. Paul (Hrsg.) « Diese Rechte ist immer noch Standteil unserer Welt. » Aspekte einer neuen Konservativen Revolution, Duisburg, 2001.
[14] International Observer, cité in International Herald Tribune, 24 juillet 2001.
[15] New-York Times, 27 juillet 2001.
[16] M. Küntzel, Der Weg in den Krieg. Deutschland, l’OTAN et le Kosovo, Berlin, 2000.
[17] Frankfurter Allgemeine Zeitung, 16 mars 2001.
[18] Frankfurter Allgemeine Zeitung, 09 septembre 2001 ; Jungle World, 11 juillet 2001 ; Berliner Zeitung, 20 juillet 2001.
[19] Ibid., 22 mars 2001. W. Oschlies, Mazedonien : Mit ‚Europa‘ assoziert‘ !, Berlin, 2001, p. 2.
[20] International Herald Tribune, 26 septembre 2001.
[21] www.wdr.de/tv/monitor/beitraege.phtml?id=316
[22] Deutschlandfunk, Informationen am Morgen, 08 mai 2001.
[23] Auswärtiges Amt, Zum Stabilitätpakt für Südeuropa, 09 avril 1999 ;
www.nachtwei.de/gewalteindaemmung-konkret-in-albanien.htm .
[24] K. Lamers et.al., a.a.O., sowie Frankfurter Rundschau, 245 mars 2000.
[25] W. Oschlies, « Mazedonien als Opfer internationaler Ignoranz ? » (« La Macédoine comme victime de l’ignorance internationale »), in, Blätter für deutsche und internationale Politik, août 2001, p.397.
[26] K. Lamers et al.., a.a.O.
[27] J. Fischer, in Stichwörte zur Sicherheitspolitik, März 2001, p.20.